L’oeil du juriste

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ZAN et paysage

A l’occasion de la publication au "Journal officiel" fin novembre 2023, de trois décrets pour l’application du « zéro artificialisation nette des sols » (ZAN) en 2050, l’œil du juriste souhaite examiner la place du paysage à travers cette notion issue de la loi « climat et résilience ».
Environ 24 000 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers sont urbanisés chaque année en France.
Cette loi de 2021 visait le ZAN en 2050, avec pour objectif intermédiaire la réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) d’ici 2031.
La nouvelle loi dite « ZAN 2023 » a apporté un certain nombre d’adaptations visant à faciliter la mise en œuvre et accompagner les élus.

| De gauche à droite : photographie aérienne - consommation d’ENAF - artificialisation des sols. Source : OCS GE / IGN (occupation du sol à grande échelle)

Le premier décret porte sur la nouvelle nomenclature des sols, qui définit les modalités permettant de dire si un sol est considéré comme artificialisé ou non, et à partir de quelle surface. Il paraissait en effet nécessaire de clarifier la notion d’artificialisation, car au sens premier du terme toute intervention humaine sur un territoire consiste en une forme d’artificialisation, puisqu’est « artificiel »

ce qui est dû à l’art, qui est fabriqué, fait de toutes pièces ; qui imite la nature, qui se substitue à elle ; qui n’est pas naturel.

  • (définition du CNRTL).

Le législateur a souhaité ici utiliser le terme dans son acception restrictive « d’imperméabilisation », ainsi les surfaces "végétalisées à usage de parc ou jardin public" ne sont pas considérées comme artificialisées, de même que les surfaces végétalisées sur lesquelles seront implantés des panneaux photovoltaïques. En revanche, les surfaces "végétalisées herbacées à usage résidentiel" sont, elles, considérées comme artificialisées.
Le ministère de la Transition écologique a précisé que cette nomenclature ne s’applique "pas aux objectifs de la première tranche de dix ans (2021-2031)".
Les communes et intercommunalités devront réaliser tous les trois ans un rapport de suivi de l’artificialisation des sols.

Le deuxième décret porte sur la déclinaison de ces objectifs sur le terrain, dite "territorialisation", le troisième instaure une commission régionale de conciliation pour les projets d’envergure nationale ou européenne présentant un intérêt général majeur.
Le MTECT a édité un guide synthétique du Zéro Artificialisation nette qui résume bien de quoi il s’agit et comment cette politique sera mise en œuvre.

Ce qui nous intéresse particulièrement, plus que les chiffres qui vont permettre d’évaluer cette politique au moyen d’indicateurs pertinents, en particulier la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF), ce sont les moyens d’y parvenir, entraînant un changement de paradigme indispensable. De nouveaux modèles d’aménagement durable, conjuguant sobriété et qualité d’aménagement, sont à réinventer. Une des priorités identifiées par le MTECT est de transformer la ville existante par la revitalisation des cœurs de villes (petites et moyennes), la transformation des friches, le réinvestissement des logements vacants, la révélation du potentiel des périphéries urbaines. L’amélioration du cadre de vie de nos concitoyens, vise aussi le renforcement de la présence de la nature en ville, la désartificialisation ou la renaturation de surfaces pour la reconquête des sols.
Ainsi le paysage, bien que non explicitement cité dans les textes (loi et décrets) est donc bien au cœur de la problématique.

La lutte contre l’étalement urbain, dont le caractère émissif en GES a pu être quantifié, est identifiée comme un moyen de réduire considérablement l’artificialisation des sols, et de fait la préservation de la qualité des paysages, que le mitage altère fortement.
Pour éviter cet étalement, il convient de réinvestir les espaces déjà urbanisés comme les centres urbains, et d’améliorer le cadre de vie par la préservation de la nature et du patrimoine.
Bien entendu la planification à travers les documents d’urbanisme (SRADDET, SCoT, PLU et cartes communales) est l’outil qui va permettre d’atteindre les objectifs fixés. La place du paysage au cœur des réflexions et de l’élaboration de ces outils favorisera l’aspect qualitatif recherché à la fois pour ce qui concerne la densification et la reconquête des zones urbanisées déjà existantes, mais aussi pour la valorisation des territoires périurbains. Une approche par le paysage favoriserait l’équilibre recherché entre l’urbain et le rural.

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