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Un décret mettant fin à l’inscription de sites inscrits

La loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a introduit via son article 168 un dispositif visant à ce que, par étapes, avant le 1er janvier 2026, certains sites inscrits au titre de l’article L. 341-1 du code de l’environnement fassent l’objet d’un décret mettant fin à leur inscription. Cette mesure devant être justifiée par leur état de dégradation irréversible ou par leur couverture par une autre mesure de protection, de niveau au moins équivalent, prévue aux codes de l’environnement ou du patrimoine.


L’aboutissement du travail de recensement et d’analyse réalisé par les services de l’État pour appliquer cette mesure, est le décret du 5 mai 2022 1. En mettant fin à l’inscription de certains sites inscrits, pour les raisons évoquées précédemment, il permet de concentrer les efforts de l’ État à la protection de nos paysages les plus remarquables à valeur patrimoniale.

Quelques mots sur la conduite du chantier

En 2016, la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages (CSSPP) a débattu sur le sujet - sous forme de trois ateliers - mettant en évidence les caractéristiques de l’inscription et ses fonctions, ainsi que les critères à respecter pour désinscrire un site, fondés sur l’élaboration d’un diagnostic et l’analyse de la protection au moins équivalente. Puis, l’instruction du 10 avril 2017 relative à la désinscription de sites inscrits existants est venue préciser les conditions dans lesquelles serait conduite au niveau départemental la démarche pour l’élaboration d’une liste de sites inscrits à désinscrire par décret.

Ce travail a été effectué conjointement par les inspecteurs des sites et les architectes des bâtiments de France dans chaque département et a abouti à des listes qui ont été soumises pour avis aux CDNPS 2. A l’échelle nationale, ce travail a permis d’identifier les sites répondant aux conditions d’abrogation fixées par la loi. Un contrôle au niveau central a permis de vérifier que les sites répondaient bien aux conditions prévues le code de l’environnement.

Enfin, le projet de décret a été soumis à la consultation du public et à l’avis de la CSSPP, ce qui a permis d’affiner la liste des sites concernés, au plus près des territoires.

Sur un total d’environ 4 800 sites inscrits, ce décret désinscrit 533 sites répartis comme suit : 503 sites couverts par une protection patrimoniale de niveau au moins équivalent (site patrimonial remarquable (SPR), périmètre délimité des abords (PDA) de monuments historiques, etc.), rendant leur inscription inutile du fait de leur protection efficace via d’autres outils, et 30 sites considérés en état de dégradation irréversible et comme ne pouvant pas être restaurés.

En effet, lorsque l’objet de la protection ou les caractéristiques qui avaient initialement justifié l’inscription du site ont totalement disparu, la désinscription vient alors prendre acte de cette disparition. Il peut s’agir de patrimoine périssable comme un arbre mort, de patrimoine bâti soumis à des aléas, par exemple un pont emporté par les crues, ou encore de points de vue qui n’offrent plus de qualité panoramique, sans que cela soit imputable à la gestion du site.

Quelques exemples pour illustrer le propos

| Vue générale de la place nationale de Réalville dans le Tarn-et-Garonne, après des travaux de revalorisation engagés en 2017. Elle est protégée au titre des monuments historiques © DREAL Occitanie

• Le site inscrit du Pont du Preyt, sur le Guil, au Nord-est du village d’Aiguilles (arrêté du 7 avril 1944) a été désinscrit, le pont ayant été emporté par la crue de 1957 ;
• le site inscrit du Gros chêne de l’Homme Mort à Lyons-La-Forêt (arrêté du 15 mai 1933) a été désinscrit, l’arbre ayant été abattu en 1999 pour des raisons sanitaires ;
• le site inscrit du Parc Monjauze à Brive-La-Gaillarde (arrêté du 9 juin 1943) a été désinscrit, du fait qu’il est aujourd’hui couvert par un site patrimonial remarquable ;
• le site inscrit de la vieille halle au blé du mas d’Agenais (arrêté du 12 février 1946) a été désinscrit car il se situe dans le périmètre délimité des abords de l’Eglise Saint-Vincent ;
• le site inscrit de la Place nationale, galeries couvertes de Réalville (arrêté du 31 décembre 1942), a été désinscrit car elles ont fait depuis l’objet d’une protection au titre des monuments historiques.

Cette désinscription ne conduit en aucun cas à diminuer le niveau de protection de ces sites exceptionnels : elle permet cependant de renforcer la protection des sites classés et inscrits en évitant les superpositions de servitudes et en concentrant les efforts de l’Etat sur les paysages remarquables à valeur patrimoniale. En effet, l’effort de classement de sites inscrits se poursuivra d’ici 2025 pour protéger les paysages dont la conservation ou la préservation présente un intérêt des points de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque.

Le décret peut être consulté sur le site Légifrance

Notes et références

1Codifié à l’article L. 341-1-2 du code de l’environnement

2Commission départementale de la nature, des paysages et des sites

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