Focus sur… Mission de parangonnage sur les politiques d’adaptation au changement climatique

Les événements climatiques extrêmes sont déjà fréquents en France et les effets du changement climatique vont s’accroître. La prochaine loi de programmation pluriannuelle sur l’énergie et le climat ainsi que le 3ème plan national d’adaptation devront permettre d’accélérer la mobilisation des acteurs.


Dans ce contexte, l’IGEDD a réalisé un parangonnage des politiques d’adaptation au changement climatique, qui a porté sur 8 pays, dont 6 en Europe (Allemagne, Autriche, Espagne, Royaume-Uni, Pays-Bas, Suisse), ainsi que le Canada et le Japon.


  • La plupart des pays étudiés par la mission, notamment le Japon, le Royaume-Uni et l’Espagne, ont adopté des dispositions législatives qui encadrent l’élaboration des plans d’adaptation : autorités compétentes, études de risques, contenu du plan, processus d’adoption et de mise à jour régulière, évaluation.

    Certaines de ces dispositions comportent aussi des orientations sectorielles, relatives aux politiques les plus affectées par le changement climatique, comme les risques d’inondation, l’urbanisme, la forêt, la sécheresse, notamment en Espagne.
    Comme la France, l’Allemagne prépare un nouveau plan national et un projet de loi sur l’adaptation : l’une des mesures-phares envisagées consiste à prévoir, dans la stratégie d’adaptation, un nombre limité (une trentaine) d’objectifs d’adaptation mesurables. Cette démarche se distinguerait ainsi des plans actuels des différents pays, qui comportent surtout des indicateurs et des objectifs de moyens en nombre très important (souvent plus d’une centaine), compte tenu de la diversité des politiques concernées.

    Le tableau ci-après résume la nature des dispositions législatives en vigueur dans trois pays étudiés par la mission :

    Répartition des rôlesÉvaluation des risques Planification Orientations sectorielles
    Royaume Uni (2008) Entre le comité du changement climatique, le Royaume-Uni et les 4 nations Oui, par le DEFRA (ministère de l’environnement) sur l’avis du CCC Oui, existence du plan national et cycle de révision Non
    Japon (2018) Entre ministères, collectivités, entreprises et grand public Oui, par le ministère de l’environnement et recommandée pour les autres acteurs Oui, contenu du plan national, cycle de révision et invitation des autres acteurs à réaliser leur plan Non
    Espagne (2021) Entre administrations publiques Oui, intégrée au plan national Oui, description détaillée du contenu du plan national, plans sectoriels pour chaque ministère Oui, notamment eau, urbanisme, santé, biodiversité, agriculture, forêt
  • Des pays tels que l’Allemagne, le Japon et le Royaume Uni ont mis en place une organisation structurée au niveau national, comprenant notamment une structure de coordination interministérielle et l’identification claire des responsabilités de chaque département ministériel.

    L’articulation avec le niveau régional, sous la forme d’une « communauté de travail », avec de vrais échanges sur le cadre méthodologique, l’évaluation, les modes d’action, constitue un élément structurant dans plusieurs pays notamment l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse et l’Espagne. L’interface avec le niveau local est plus complexe compte tenu du nombre élevé d’acteurs.

    Par ailleurs, afin de mobiliser les collectivités locales, la plupart des pays étudiés ont mis en place un accompagnement financier et technique assez développé : centre de ressources très étoffé (en particulier au Japon), guides et documents méthodologiques parfois co-construits entre l’Etat et les collectivités, fourniture de services climatiques (données à l’échelle de la commune et d’ici la fin du siècle portant sur des indicateurs du changement climatique comme les pics de chaleur, les risques de feux de forêt, le nombre de jours de sécheresse…) , animation de réseaux, mise à disposition de conseillers (Autriche), financement des études de vulnérabilité, etc.

    La mission recommande d’adopter ces bonnes pratiques en France.

  • La mission a relevé que les pays du parangonnage adoptaient souvent une référence d’évolution du climat s’appuyant sur deux scénarios d’émissions de gaz à effet de serre définis par le groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (GIEC), l’un intermédiaire et l’autre plus pessimiste, mais tel que le risque qu’il se réalise existe. Le scénario pessimiste devrait notamment être pris en compte dans les études de risques des investissements de long terme.
    Scénarios climatiques des études de risques
    Allemagne, CanadaAutriche, EspagneSuisse, JaponRoyaume-UniFrance PNACC-2
    un seul scénario :dit « 8.5 »*
    Allemagne : l’étude de risques décline ce scénario en un cas optimiste et un cas pessimiste
    2 scénarios : 4.5 et 8.5
    Autriche : l’étude précise la hausse de température correspondant à ces scénarios en Autriche.
    2 scénarios : 2.6 et 8.5
    Suisse :
    une attention particulière au scénario 8.5, au nom du principe de précaution
    2 scénarios : + 2°C et + 4°C
    correspondant aux scénarios 2.6 et 6.0
    Adaptation à +2°C et prise en compte de +4°C
    un seul scénario : +2°C
    à l’horizon 2050

    *selon la définition du GIEC

    Le scénario « 4.5 » correspond à un réchauffement de 2,7°C à la fin du siècle, proche du réchauffement résultant de la réalisation des engagements pris par les Etats dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord de Paris. Le scénario « 8.5 » correspond à un réchauffement de 4,4 °C.

    Ainsi que le dernier rapport du GIEC l’a montré, de nombreux changements climatiques s’amplifient en fonction de l’augmentation du réchauffement. Parmiceux-ci, le GIEC mentionne les augmentations de la fréquence et de l’intensité des températures extrêmes, les fortes précipitations et, dans certaines régions, les sécheresses agricoles et écologiques. L’illustration ci-dessous présente cette relation entre la température et les événements climatiques :

    source : Infographie Météo-France, selon GIEC



    Pour cette raison, la mission recommande de définir une référence d’évolution du climat, exprimée sous la forme de hausses de température, et correspondant à 2 scénarios d’émissions de gaz à effet de serre définis par le GIEC, l’un central et l’autre plus pessimiste, dans l’esprit des références climatiques adoptées par la plupart des pays du parangonnage. Cette référence devrait être prise en compte par les collectivités locales et les entreprises pour évaluer les conséquences du changement climatique dans leur domaine, ainsi que les actions à mener pour s’y adapter.

  • La plupart des pays étudiés se sont engagés à des degrés divers dans des démarches de prise en compte des effets du changement climatique dans la normalisation et les référentiels techniques, tels que les normes applicables à la construction, aux infrastructures de transport ou aux équipements de production, qui doivent pouvoir résister à des températures de plus en plus élevées et aux autres conséquences du changement climatique. Ces démarches justifieraient une action plus déterminée des organismes de normalisation au niveau national (AFNOR), européen (CEN, CENELEC) et mondial (ISO). S’appuyant sur les exemples canadien et allemand, la mission a recommandé de veiller à la prise en compte des effets du changement climatique dans les processus d’élaboration et de révision des normes et référentiels techniques.
  • Les conséquences du changement climatique sont souvent ressenties d’abord dans le domaine de l’eau : sécheresses à répétition entraînant restrictions et conflits d’usages, baisse du débit des rivières avec des impacts sur les espèces et les habitats, assèchement de zones humides, montée du niveau de la mer, intrusions salines, précipitations exceptionnelles et inondations, etc. C’est pourquoi le chapitre « eau » est généralement l’un des plus développés des plans d’adaptation. Le premier levier d’adaptation cité dans ces plans est l’accélération des politiques d’économies d’eau et de partage entre les usages. L’approche des pays étudiés est comparable à ce qui est fait en France : nécessité de fixer des objectifs chiffrés et répartis d’économies d’eau, gestion intégrée par bassin versant prenant en compte les besoins des milieux, intention annoncée de fixer des priorités par usages. Dans le secteur agricole, les solutions à court terme peuvent reposer sur le développement de capacités de stockage, tandis que les solutions de moyen et long terme passent par une transformation des modèles de production.
    En matière de prévention des inondations, la définition des aléas de référence doit intégrer les effets du changement climatique : cette approche commence à être mise en œuvre pour la montée du niveau de la mer et doit encore être développée pour les effets de la modification du régime des précipitations sur les crues. De manière générale, les plans étudiés prévoient d’investir dans le développement et la fiabilité des dispositifs de surveillance et d’alerte sur les phénomènes extrêmes, qui sont des mesures efficaces et « sans regrets ».

    En ce qui concerne l’anticipation des conséquences de la montée du niveau de la mer, la mission a identifié tout particulièrement le programme « Estuaire de la Tamise 2100 » et, aux Pays Bas, le programme Delta, qui constituent de bons exemples de politiques construites d’adaptation, associant le Parlement ou la société civile aux choix les plus structurants.

  • La carte présente trois zonages :
    • zone où l’augmentation du risque d’inondation face au changement climatique est acceptée,
    • zone où le niveau de risque est maintenu
    • zone où le niveau de risque sera diminué

    source : agence anglaise de l’environnement

  • La phase de consultation publique du projet de trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique (TRACC) ets ouverte. Sur la base des questions listées, les contributions peuvent être envoyées jusqu’à mi-septembre via l’adresse mail dédiée.

    Pour en savoir plus rendez-vous ici, sur la page du Ministère.


  • Conclusion

    Le jour même de la publication du rapport de l’IGEDD fin février, M. Christophe BÉCHU, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, a installé le Comité de pilotage ministériel sur l’adaptation au changement climatique, dont l’objectif est de travailler à des scénarios de référence climatiques qui serviront de base à une nouvelle stratégie d’adaptation.

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