Focus sur… La performance ferroviaire et le rôle de facilitation joué par l’IGEDD


La performance ferroviaire est a priori un de ces termes techniques dont le sens et le contenu ne sont connus que par un petit groupe de spécialistes qui croisent sur des tableaux excel des données de capacités et de sillons. Au moment où, dans le cadre de la gestion de la transition écologique, le recours accru au mode ferroviaire pour transporter davantage de voyageurs et plus de volume de fret s’impose, le sujet est devenu un enjeu sociétal. L’ambition fixée par le gouvernement au mode ferroviaire passe de ce fait nécessairement par un transport plus fiable et plus qualitatif, en un mot plus performant.
Ce Focus illustre les différentes voies (non exhaustives) que la performance ferroviaire peut emprunter et le rôle de l’IGEDD dans ce cadre.

Jean-Christophe BAUDOUIN, IGEDD section Mobilités et Transports


(vidéo, durée : 56 s)


Les enjeux

L’État a signé un nouveau contrat de performance avec SNCF Réseau le 6 avril 2022, qui a reçu un accueil réservé d’un certain nombre d’acteurs du transport ferroviaire. Malgré les moyens consacrés à la rénovation du réseau, maintenus à un niveau très élevé, et des interventions de l’État assez massives (reprise de dettes, aide exceptionnelle dans le cadre du plan de relance), le compte n’y serait pas ? Cela est révélateur des enjeux relatifs à la gestion du réseau ferré national (RFN). Le retard accumulé de longue date dans la régénération du réseau classique, mais également dans sa modernisation (l’étalement de la mise en œuvre de la commande centralisée du réseau en témoigne), nécessite des moyens de trois ordres : financiers, humains et capacitaires. Dans le même temps, l’urgence écologique commande de faire appel de façon accrue au transport ferroviaire pour décarboner les mobilités, ce qui induit un usage intensif du réseau. On voit alors apparaître de multiples tensions. Les travaux de rénovation sont une priorité, mais la demande de nouvelles infrastructures est toujours là. Ils consomment de la capacité, notamment la nuit, au détriment des trains de fret, pour lesquels on privilégie les circulations nocturnes. La massification des travaux permettrait de réduire leur coût, mais entraîne des coupures longues, pénalisantes pour les usagers. L’accroissement des moyens financiers pourrait passer par une hausse des péages, mais ce levier doit être utilisé avec discernement si l’on vise l’augmentation des trafics. La recherche d’une amélioration de la productivité, naturelle dans ce contexte, conduit à une gestion rigoureuse des ressources humaines, dans un secteur professionnel par ailleurs en tension… On le voit, l’équation est complexe ! Les apports de l’IGEDD, à l’instar de la récente mission sur la maîtrise d’ouvrage ou encore du pilotage des plateformes services et infrastructures, sont particulièrement précieux pour la résoudre.

Bruno DICIANNI, sous-directeur des infrastructures ferroviaires à la Direction des transports ferroviaires et fluviaux et des ports – Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités


  • Les travaux liés aux projets d’aménagements ferroviaires au sud de Bordeaux et au nord de Toulouse sont prévus à partir de 2023 et jusqu’aux mises en service de fin 2031 et de mi 2032.

    Ces travaux sont durablement très impactants pour les services ferroviaires avec des besoins de trois ordres :

    • Des travaux chaque nuit sur une base d’interruptions de 7 heures ;
    • 68 opérations coup de poing de 41 heures en moyenne et 3 fermetures exceptionnelles de 6 à 10 jours en 2029, 2030 et 2031 ;
    • Des limitations de vitesse allongeant les temps de parcours jusqu’à 20 minutes.

    Aussi, une concertation amont a été menée entre octobre 2021 et octobre 2022 au sein de la Plateforme « Grand Sud » présidée par un membre de l’IGEDD (Régine BREHIER). Le groupe de travail était animé par SNCF Réseau (Antoine LATOUCHE) en sa double capacité d’animateur de la plateforme et de maître d’ouvrage des projets avec les objectifs suivants :

    • Maîtriser les conditions de réalisation des projets (risques coût et délais) ;
    • Préserver les dynamiques de croissance des flux ;
    • Permettre aux opérateurs de proposer des offres lisibles et soutenables.

    En première analyse, ces contraintes menaçaient notamment les services TGV et trains de nuit. L’optimisation des projets a permis de réduire de 18 à 10 le nombre de trimestres au seuil haut de ralentissement. L’étude des horaires a dégagé des pistes pour améliorer la soutenabilité des services TGV. Les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) disposent désormais d’éléments pour analyser les incidences sur les organisations de production et les coûts. Plusieurs questions restent à examiner :

    • L’impact sur le fret ;
    • La maintenance et le renouvellement sur Bordeaux – Toulouse ;
    • L’impact des trains de travaux ;
    • La gestion des opérations coup de poing.

    A la demande du Ministre chargé des Transports, ce groupe de travail a été pérennisé et continuera à être présidé par l’IGEDD . Il rendra désormais compte au comité de pilotage relatif au grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO). C’est ce comité de pilotage qui définit les orientations, valide les études et les propositions, et qui prend les arbitrages nécessaires, pour ce grand projet ferroviaire qui se traduit en termes d’infrastructures par la création de lignes ferroviaires nouvelles entre Bordeaux et Toulouse ainsi qu’entre Bordeaux et l’Espagne, et par la réalisation d’aménagements ferroviaires sur la ligne existante au sud de Bordeaux et au nord de Toulouse.

    Régine BREHIER, IGEDD section Mobilités et Transports et Antoine LATOUCHE, SNCF Réseau

  • (vidéo, durée : 35 s)

    Jérôme GRAND, SNCF Réseau DT BFC


  • Les grands projets ferroviaires sont coûteux, enchaînent des étapes multiples et impliquent de très nombreux acteurs : autant de raisons pour ne pas aboutir ou accumuler retards et délais. Les phases 1 et 2 de la ligne nouvelle Provence-Côte d’Azur viennent d’être déclarées d’utilité publique et seront livrées de 2030 à 2035. Elles coûteront autour de 4 Mds€, mobilisent 13 financeurs et demandent la coordination de deux principaux maîtres d’ouvrage, SNCF Réseau, et Gares & Connexions, mais aussi des aménageurs urbains de tous les territoires concernés. Elles permettront le développement des offres de rer métropolitains à Marseille, Toulon et Nice. Avec très peu d’aménagements en site propre, elles ont un très faible impact sur la biodiversité. En dénouant ces trois nœuds ferroviaires saturés et malcommodes, elles permettront de puissants reports modaux par un véritable choc d’offre.

    Inscrit dans le ressort d’une seule région, le projet est piloté par un comité coprésidé par le préfet de région et le président de la région. Pour ce projet comme les autres grands projets, un membre de l’IGEDD préside le comité technique. Il anticipe les difficultés, recherche les solutions et prépare les arbitrages. Il n’a pas de responsabilités opérationnelles et il ne s’agit pas de se substituer à l’équipe projet constituée par les maîtres d’ouvrage, ni d’y représenter l’Etat ou les collectivités. Ce rôle neutre mais engagé est indispensable pour apaiser les tensions et constituer un collectif de projet dynamique mobilisant ces entités nombreuses, de bords politiques différents et d’intérêts pas nécessairement alignés. Son positionnement hors des hiérarchies et des institutions lui confère une agilité dont l’efficacité est recherchée : il faut à la fois discuter dans le détail avec les chargés d’études et les services techniques, expliquer les sujets aux décideurs, tirer la sonnette d’alarme quand un des partenaires menace le projet par des exigences inacceptables pour les autres et trouver une réponse appropriée à ses attentes.

    Pierre-Alain ROCHE, IGEDD, Président de la section Mobilités et Transports

  • Le projet de ligne nouvelle entre Montpellier et Perpignan (LNMP) assurera la continuité de la grande vitesse ferroviaire entre la France et l’Espagne sur la façade méditerranéenne, par la création d’environ 150 km de ligne nouvelle. En appui au comité de pilotage coprésidé par le préfet de région et la présidente de la Région Occitanie, un comité technique présidé par un membre de l’IGEDD assure la cohérence des études avec les décisions ministérielles.


    La première phase du projet reliant Montpellier à Béziers a été déclarée d’utilité publique par décret du 16 février 2023, après une enquête préalable qui s’est tenue du 14 décembre 2021 au 27 janvier 2022.
  • L’article 34 du décret n° 2003-194 du 7 mars 2003 modifié relatif à l’utilisation du réseau ferroviaire (qui a transposé la directive européenne 2012/34/UE du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen) est à l’origine de la mise en place, en 2014, par le gestionnaire d’infrastructure du réseau ferroviaire, d’un système d’amélioration de la performance (SAP) du réseau ferroviaire.

    Pour garantir une gestion équitable de ce système, il a été créé un comité SAP (COSAP) réunissant à parité neuf représentants de SNCF Réseau et neuf représentants des entreprises ferroviaires (en particulier, l’Union des Transports Publics – UTP - et Ferroviaires et l’Association Française du Rail –AFRA -). L’Autorité de Régulation des Transports y a un siège d’observateur. Le Comité est présidé par une personne indépendante (actuellement un membre de l’inspection générale de l’environnement et du développement durable – IGEDD -), désignée par la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM).

    Le COSAP se consacre aujourd’hui essentiellement aux performances du système ferroviaire en termes de régularité. Celle-ci est évaluée par un décompte des minutes perdues par chaque circulation et une allocation de leurs causes (gestionnaire d’infrastructure/entreprise ferroviaire ; externe/interne, défaillance d’infrastructure, intempérie, malveillance…). Un système de malus y est adossé qui a pour objectif, malgré des enjeux financiers modestes, d’inciter aussi bien le gestionnaire d’infrastructure que les entreprises ferroviaires à améliorer leurs performances respectives.

    Le COSAP est avant tout un lieu d’échanges transparents et constructifs entre le gestionnaire d’infrastructures et ses clients sur les questions de régularité, qui doit permettre d’identifier les tendances et les points de fragilité du système ferroviaire, ainsi que de dégager des solutions et de bâtir des plans d’action pour y remédier.

    Jean-Christophe BAUDOUIN, IGEDD section Mobilités et Transports

Deux zooms sur des projets d’infras d’actualité

  • Le projet Lyon-Turin, à vocation fret et voyageurs, est un maillon important du réseau de transport européen (RTE) ; il fait partie du corridor méditerranéen (de l’Espagne vers l’est de l’Europe) et participe à la liaison entre le nord-ouest de l’Europe et l’Italie. Il comprend plusieurs sections à des stades d’avancement différents :

    • la section transfrontalière qui a été déclarée d’utilité publique pour sa partie française en 2007, sous maîtrise d’ouvrage de la société binationale TELT qui est en chantier avec une perspective de mise en service en 2033. Sur cette opération très importante et complexe (tunnel de 57 km de long dans une géologie difficile), il a été décidé en 2013 de mettre en place une mission d’appui du CGEDD auprès du préfet de la Savoie et du préfet de région pour le chantier et pour la démarche Grand Chantier. Patrick Dieny puis Joël Prillard, à compter de 2020, ont été chargés de cette mission. Concrètement le membre de l’IGEDD désigné veille à la bonne coordination des services de l’État, participe aux travaux de la Commission Intergouvernementale (avec Frédéric Ricard, IGEDD section Mobilités et Transports également, qui copréside le comité sécurité), coordonne la mission Grand Chantier qui réunit les représentants des grandes collectivités signataires de la démarche (région, département, syndicat du pays de la Maurienne), TELT et l’État.
    • les accès italiens sous maîtrise d’ouvrage de RFI, le gestionnaire du réseau ferré national italien ;
    • les accès français déclarés d’utilité publique en 2013, sous maîtrise d’ouvrage de SNCF Réseau, qui est à un stade d’études dans le cadre d’une DM de 2019. L’objectif des études en cours est d’une part d’identifier ce qu’il convient impérativement de faire sur le réseau existant d’ici l’ouverture de la section transfrontalière, d’autre part de proposer un scénario de réalisation progressive des nouveaux accès. Sur cette opération la DM de 2019 a prévu un appui par un membre du CGEDD ; Philippe Ayoun puis Joël Prillard, à compter de 2021, ont été chargés de cette mission. Il s’agit concrètement de présider le comité technique, d’appuyer le préfet de région qui préside un comité de pilotage, de veiller à la bonne coordination des services de l’État (régionaux et nationaux) et de SNCF Réseau.

    Le Conseil d’orientation des infrastructures a traité de ce projet dans son rapport remis officiellement au Gouvernement le 24 février dernier. Dans son scénario dit de planification écologique, il indique que les études des nouvelles lignes et tunnels d’accès Lyon-Turin seraient reportées au quinquennat 2028-2032 pour un engagement nécessaire sur la période 2038-2042. Dans son scénario dit « 0 priorité aux infrastructures de transport », il mentionne « un calendrier aussi rapide que possible » pour la réalisation de ce projet.

    La ligne nouvelle entre Lyon et Saint-Jean-de-Maurienne n’a de sens que si elle est raccordée correctement à Lyon vers le nord et le sud de l’Europe. Elle est donc largement tributaire de l’avancée des projets de l’Etoile ferroviaire lyonnaise (ex nœud ferroviaire lyonnais) sur lesquels l’IGEDD intervient au travers d’une mission d’appui au préfet de région assurée par Jean-Christophe Baudouin qui préside les Comités techniques et à ce titre se trouve en relation directe avec les services de l’Etat centraux et territoriaux, les acteurs locaux et bien entendu les services de SNCF Réseau. Cette mission est également en lien avec la Plateforme services et infra pour le secteur Rhône-Saône qu’il préside également.


    Joël PRILLARD, IGEDD Mission d’Inspection Générale Territoriale Lyon et Jean-Christophe BAUDOUIN, IGEDD section Mobilités et Transports

  • Améliorer la performance des nœuds ferroviaires et soutenir le développement urbain : exemple de la future gare de Rouen St-Sever

    Le grand projet de ligne nouvelle Paris-Normandie (LNPN) vise à doter l’axe Seine d’une colonne vertébrale ferroviaire modernisée et performante pour assurer à terme la liaison entre la métropole francilienne, les métropoles normandes et les pôles portuaires, et accompagner le développement économique territorial. Le Cotech LNPN, présidé par un membre de l’IGEDD, Florence Castel, porte l’ambition de démultiplier le potentiel du réseau ferroviaire, qu’il s’agisse de la grande vitesse, des trains du quotidien et du fret, mais également de soutenir les projets urbains grâce à la construction de gares nouvelles ou au réaménagement des gares existantes. Tel est le cas de la future gare de Rouen St-Sever qui sera un élément essentiel du projet partenarial d’aménagement et de renouvellement urbain rouennais.
    Depuis décembre 2021, le Cotech s’est ainsi saisi d’un travail technique pointu qui permettra un choix éclairé quant à la conception de la future gare. Cette gare nouvelle, future gare LNPN, de Rouen sera située sur la rive gauche de la Seine au cœur du quartier de St-Sever dont elle accompagnera le renouveau. Son articulation avec la gare existante de Rouen, située en rive droite, permettra d’accroître la desserte et la performance du nœud ferroviaire rouennais. Le Cotech a pris en considération tous les enjeux, qu’il s’agisse des besoins de mobilité à large échelle, de desserte fret, des interfaces avec le réseau de transport urbain, de l’intégration des meilleures technologies disponibles ou des attentes en matière d’aménagement et de rééquilibrage de la métropole Rouen Normandie, et cette approche, validée par le comité de pilotage, est un gage d’anticipation et d’intégration de problématiques parfois appréhendées de manière séquentielle ou en silo.

    Florence CASTEL, IGEDD section Mobilités et Transports

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