Focus sur… "Dialogue territorial pour la protection et la valorisation des zones humides et création d’un parc national"

Un an de dialogue territorial approfondi au sein de dix-huit sites emblématiques des zones humides françaises pour renforcer leur protection et leur valorisation, et créer un parc national dédié à ces milieux

Le 27 avril dernier les six membres de la mission ont présenté leurs travaux à la Secrétaire d’État chargée de la biodiversité, Bérangère Couillard.

Missionnés : Bénédicte Guery, Louis Hubert, Flore Lafaye de Micheaux, Christophe Viret, Hervé Parmentier et Olivier Robinet


La mission s’inscrit dans le contexte d’une prise de conscience générale du fort déclin des zones humides au niveau mondial comme en France (64% des zones humides ont disparu au XXème siècle) alors que ces milieux constituent un enjeu majeur tant pour leur richesse en termes de biodiversité, pour la régulation et l’épuration des masses d’eau que pour la captation et le stockage du carbone, au-delà de leur valeur culturelle et sociétale.

Pour répondre à ces enjeux, il avait été décidé lors du Grenelle de l’environnement, outre le renforcement des protections des milieux humides, de créer un parc national dédié aux zones humides. La stratégie nationale pour les aires protégées adoptée le 12 janvier 2021 a repris ce projet, avec l’objectif de doubler la protection forte des zones humides françaises de métropole et d’en protéger 110 000 ha d’ici 2030. Le 4ème plan national milieux humides 2022-2026, intégré à la stratégie nationale biodiversité confirme la volonté de créer un parc national dédié à ces milieux.

(vidéo, durée : 2 min 18 s)


Pour mettre en œuvre ces engagements, une première mission exploratoire dont le rapport a été publié en avril 2022, recommandait, après avoir identifié 18 territoires parmi les plus emblématiques des zones humides françaises, de conduire un dialogue territorial approfondi avec toutes les parties prenantes sur chaque site. Parmi ces sites, huit concernent des zones humides et marais littoraux et estuariens, quatre des plaines intérieures, trois des vallées alluviales, deux des massifs de tourbières et une zone humide ultra-marine.

Au-delà de l’objectif « création d’un parc national », le champ d’action de la mission a été élargi pour soutenir et mettre en valeur des actions exemplaires sur chaque site en faveur de la préservation et la valorisation des zones humides, et faire des propositions pour améliorer les politiques publiques en faveur de ces objectifs.

Au cours de ce dialogue territorial sur les 18 sites entre juin 2022 et janvier 2023, la mission a rencontré plus de 1200 personnes. De ces visites et auditions ont émergé plus de 90 actions exemplaires, pilotes ou transférables.

Marais breton


La mission a également identifié des sujets communs de préoccupation qui font écho à des politiques publiques nationales. Le rapport de mission propose ainsi des pistes d’amélioration dont les administrations nationales pourraient se saisir pour les adapter aux zones humides :

  • le maintien et le confortement d’une agriculture et d’une pisciculture favorables à la biodiversité
  • la mise en œuvre et le déploiement d’outils fonciers
  • une fiscalité en faveur des zones humides
  • l’adaptation de la réglementation
  • des outils d’interventions spécifiques
  • l’amélioration de la connaissance et de la sensibilisation sur les zones humides.


Enfin, la mission a retenu trois sites d’exception pouvant avoir vocation à devenir un parc national

  • les Marais de Kaw-Roura en Guyane
  • la Camargue
  • l’estuaire et le cours de la Loire aval.

Elle propose des éléments de méthode pour faire émerger un projet ambitieux pour ces zones humides, à la hauteur de leur valeur intrinsèque.

Marais de Kaw-Roura en Guyane

EN SAVOIR PLUS

Le dialogue territorial sur les 18 sites emblématiques des zones humides françaises mené entre juin 2022 et janvier 2023 a permis à la mission de répondre aux trois objectifs fixés

Au total, 90 actions ont été retenues par la mission, portant sur la reconnaissance nationale ou internationale, le maintien de pratiques agricoles et piscicoles extensives, la mise en place d’une gouvernance spécifique notamment pour la gestion de la ressource en eau, la mobilisation d’outils de protection forte, la mise en place de moyens de contrôle, l’amélioration des connaissances et la maîtrise du foncier.
Ces actions répondent explicitement aux objectifs du PNMH et ont vocation à être accompagnées techniquement et financièrement par l’État (PNMH, Fonds vert) associé à d’autres contributeurs (Europe, collectivités territoriales, agences de l’eau, etc.).

La mission a également mis en exergue des bonnes pratiques locales qui gagneraient à être diffusées plus largement car elles contribuent à la protection des zones humides

Les Monts d’Arrée, Parc Naturel Régional d’Armorique

Propositions et recommandations pour améliorer les politiques publiques ayant un impact sur les zones humides

  • A ce titre elle propose par exemple d’intégrer une référence explicite à l’intérêt de ces milieux dans le futur pacte d’orientation agricole et de la prochaine loi d’orientation. Elle souligne l’importance de mettre à l’étude (sur le modèle des indemnités compensatoires d’handicaps naturels pour la montagne) une indemnité spécifique pour les zones humides, afin d’y encourager l’élevage extensif, facteur de maintien de la biodiversité de ces milieux. La PAC et ses outils doivent être à l’avenir mieux adaptés aux contraintes et aux enjeux de préservation des zones humides. Elle souligne l’importance d’une consolidation des dispositifs de paiement pour services environnementaux au bénéfice de ces milieux. Enfin en matière de pisciculture elle insiste sur la nécessité de maintenir cette activité traditionnelle indissociable de l’entretien des milieux d’étangs
  • En matière foncière la mission insiste sur la nécessité de développer des stratégies collectives d’acquisition et/ou de gestion collective du foncier. Elle considère que sur ces 18 sites pourraient être expérimentés des dispositifs originaux d’animation pour démontrer que la mise en place d’obligations réelles environnementales est possible et souhaitable

  • Dans ce domaine et en lien avec la mise en place d’obligations réelles environnementales, la mission souhaite qu’un chantier visant à faire des propositions fiscales incitatives pour la préservation des zones humides soit ouvert le plus rapidement possible

  • La mission insiste sur la nécessité de disposer d’une définition plus large des zones humides dans le code de l’environnement (notamment pour viser les étangs) pour s’approcher de celle faite au titre de la Convention sur les zones humides (Ramsar), ce qui en lien avec les autres propositions faites par la mission, pourrait ouvrir les dispositifs incitatifs cités ci-dessus à un nombre plus importants d’acteurs économiques. Elle milite enfin pour que les règles de gestion et d’autorisation soient mieux adaptées à la gestion de ces milieux

  • A l’heure où se définissent les règles et contenus du 12ème programme des agences de l’eau, la mission recommande que celui-ci cible mieux les zones humides dans ses interventions. Enfin, la mission préconise aussi que le dispositif d’éco-contribution entre la fédération nationale des chasseurs et l’office français de la biodiversité, puisse être mieux mobilisé autour d’opérations collectives pour les milieux humides
  • La mission recommande de définir une feuille de route ambitieuse pour mieux objectiver les services rendus par les zones humides sur la captation de carbone, lancer une initiative scientifique de sentinelles du climat pour les milieux humides, à l’instar de celle sur le massif alpin et de faire des zones humides des zones prioritaires pour expérimenter les méthodes de lutte contre les espèces exotiques envahissantes
Estuaire de la Loire

Recommandation d’un à trois sites pouvant s’engager dans une démarche de création d’un parc national

Objet initial de la commande, la mission a évalué chaque site en fonction de sa valeur intrinsèque, de la plus-value de l’outil parc national pour répondre aux enjeux spécifiques du territoire et enfin de l’acceptabilité territoriale à la création d’un parc national. Pour ce dernier critère, la mission a noté des positions très tranchées de certains d’acteurs contre un parc national et plus nuancées pour d’autres. La plupart des personnes auditionnées ont reconnu mal connaître l’outil et ses caractéristiques en termes d’adaptation des usages, de gouvernance et de moyens mis au service du développement local. Cela conduit à penser que les positions pourraient évoluer, pour certains territoires, à la faveur d’une concertation conduite avec l’ensemble des parties prenantes. Dans ce contexte, il ne ressort pas des dialogues territoriaux un territoire clairement candidat.

La mission a néanmoins identifié trois sites d’exception.

  • La mission propose pour les Marais de Kaw-Roura, la préfiguration d’un parc national sur un périmètre élargi pour intégrer sa frange littorale et une partie de l’Est Guyanais.

    La mission montre que le patrimoine naturel de la Guyane peut être un vecteur de développement endogène et local et que l’outil parc national semble adapté pour assurer la protection de ces milieux naturels exceptionnels et permettre aux acteurs locaux concernés et aux habitants des retombées concrètes en terme de développement. Elle rappelle enfin que les habitants de Kaw et de Ouanary doivent être soutenus pour la mise en valeur de leurs villages. Au-delà de la préfiguration d’un parc national sur l’Est Guyanais, la mission insiste sur le besoin de définir un véritable projet pour l’Ouest Guyanais à travers un plan de transformation du parc naturel régional.

  • En métropole, la Camargue dans son périmètre de la réserve de biosphère, et l’Estuaire et le cours de la Loire aval sont également des sites qui, compte tenu de leur valeur intrinsèque et de la plus-value de l’outil parc national pour répondre à leurs enjeux, pourraient prétendre à ce label prestigieux. Cependant les conditions ne sont pas réunies à ce jour pour engager une telle démarche de création.
    En conséquence, la mission propose pour ces deux sites de conduire un dialogue territorial et prospectif afin de construire un projet de protection et de valorisation de leurs zones humides. Pour ces chantiers, des moyens spécifiques sont à prévoir.
    Dans ces trois territoires, il est impératif de mener en préalable une concertation avec les grandes collectivités territoriales concernées, afin que l’État et les élus portent conjointement un projet ambitieux pour ces territoires d’exception.



Le rapport de la mission est constituée d’un rapport principal et de 18 rapports de site. La mission invite les services de l’État et ses opérateurs, ainsi que les collectivités concernées à relever le défi de la protection et de la valorisation de toutes les zones humides françaises.

Parc naturel régional de Brière

Rapports de sites

Carte des 18 sites emblématiques des zones humides françaises

Les rapports de site suivants constituent des documents associés à ce rapport. Ils sont
téléchargeables par simple clic sur le nom des sites.

Les étangs de la Lorraine Lit majeur du Rhin Tourbières du Jura
Basse vallée du Doubs et Bresse Val d’Allier La Dombes
La Camargue Marais de Brouage et de Rochefort Marais poitevin
La Brenne Marais breton et baie de Bourgneuf Sologne
Estuaire et cours de la Loire aval Brière Monts d’Arrée
Marais du Cotentin et du Bessin Baie de Somme Marais de Kaw-Roura

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