Les impacts territoriaux du télétravail : angle mort des politiques publiques ?

Le télétravail pratiqué par près de 19 % des salariés français en 2023, dont l’adoption dépend de l’emploi occupé mais aussi des décisions des entreprises et des individus, a-t-il un impact sur l’aménagement des territoires ? Le télétravail, concernant avant tout les cadres, est plus fréquent dans les centres des grandes agglomérations que dans leur périphérie ou que dans les unités plus petites, car praticable de manière inégale selon les territoires en raison de la structure des emplois. La mission a choisi d’investiguer les impacts territoriaux du télétravail au niveau national, y compris la région capitale, puis plus particulièrement à l’échelle de trois systèmes territoriaux centrés autour de métropoles : Rennes, Toulouse et Lyon. S’agissant des choix de lieu de résidence, il ne se constate pas de modifications sensibles des flux entre les régions, les métropoles et les villes moyennes ou les espaces périurbains ou ruraux, imputables au développement du télétravail. En Île-de-France et Lyon, le télétravail sans diminuer le trafic routier a permis de réduire la fréquentation des transports en commun aux heures de pointe, la circulation automobile baissant en revanche à Rennes et Toulouse. Concernant les déplacements de moyenne distance, la fréquentation des TER s’est fortement accrue, l’augmentation du prix des carburants pour automobile ayant manifestement joué un rôle. Le télétravail favorise une réduction partielle des surfaces de bureaux dans les plus grandes métropoles et entreprises. D’autres facteurs influencent les stratégies immobilières des sociétés cherchant d’abord à rendre leurs espaces de travail plus attractifs et propices aux échanges collectifs pour inciter à la présence sur site. Une tendance à la relocalisation des bureaux vers les centres-villes, offrant aménités et connections, au détriment des périphéries urbaines, est ainsi observée. Lorsqu’elles sont dépourvues d’aménités (transports, services, commerces), ces dernières connaissent des taux élevés de vacance de l’immobilier tertiaire sans perspective de réutilisation rapide des surfaces disponibles. Ces évolutions présentent en outre un risque d’éviction du logement dans les quartiers centraux ou les mieux connectés. Le télétravail, loin de détendre le marché du logement, renforce la demande, en particulier dans les zones à forte attractivité touristique et dans celles bien dotées en aménités urbaines. Sur le plan environnemental, bien que le télétravail contribue à réduire le nombre de trajets domicile-travail, il entraîne d’autres effets tels que la multiplication des déplacements pour d’autres motifs ou l’allongement de la distance domicile-travail, sans réduire nécessairement l’usage de la voiture. Le caractère diffus du télétravail et de faible intensité sur les territoires limite son exploitation comme levier des politiques publiques, alors qu’il pourrait jouer un rôle dans le rééquilibrage des territoires et l’adaptation au changement climatique, en favorisant fortement l’individualisation des rythmes de vie, et en faveur de politiques des temporalités en parallèle des politiques spatiales.

S’agissant d’une mission conjointe avec France Stratégie, la note d’analyse est disponible en suivant le lien :

Auteurs : Brigitte Baccaïni, Jérôme Duchêne, Jérôme Giurici, Anne Pons, Frédéric Rocchi, IGEDD ; Coline Bouvart, Anne Faure, Emilien Gervais, France Stratégie
Publié le 14 novembre 2024

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