L’oeil du juriste
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Dans le rétroviseur : la protection des sites de la Première et de la Seconde Guerre mondiale, au titre des lois du 21 avril 1906 et du 2 mai 1930, une étude de l’IGEDD
Un usage des lois sur la protection des sites nationaux à des fins mémorielles, la construction d’un patrimoine des conflits.
L’année 2024 a marqué la double commémoration du 110e anniversaire du début de la Première Guerre mondiale et du 80ème anniversaire du Débarquement de Normandie.
Des événements mémoriels ont permis de rappeler le lourd impact humain des deux conflits mondiaux sur notre pays. Ce fut aussi l’occasion, au détour de reportages, de mesurer l’impact parfois persistant des guerres sur le paysage.
Cette étude émouvante met en lumière la véritable construction d’un patrimoine paysager national des conflits, au pouvoir évocateur.
Dès 1906, la loi de protection des sites (rénovée en 1930) permet de distinguer des lieux liés à l’Histoire.
En 2024, la Commission Supérieure des Sites et Paysages a donné un avis favorable au classement de deux sites liés à la Grande guerre : la Butte de Chalmont et le Petit Donon (classé par arrêté en février 2025).
Quelques mois plus tôt, en septembre 2023, 139 sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale, situés en Belgique et en France, ont été inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.
En juillet 2026, la France soutiendra le dossier d’inscription Unesco des plages du Débarquement de Normandie.
Dans ce contexte, Catherine Candelier, chargée d’études au sein de la Mission d’inspection générale des sites et paysages, a réalisé une étude sur la protection des sites de la Première et de la Seconde Guerre mondiale qui est aujourd’hui publiée sur le site internet de l’IGEDD.
L’étude permet de procéder au recensement d’une soixantaine de sites inscrits ou classés qui ont un lien avec les deux guerres mondiales : Verdun, Omaha Beach, bien sûr, mais également des monuments, mémoriaux, champs de bataille, maquis de la résistance et lieux de détention.
Le but de l’étude était d’analyser les choix et motivations des mesures de protections dans le contexte politique et sociologique de l’époque où elles sont intervenues. La consultation des archives du ministère a permis de retrouver ces éléments pour presque chaque site et ainsi de retracer à quel évènement historique il se rapporte et l’histoire de sa protection. Ce travail minutieux et parfois fastidieux a révélé quelques anecdotes sans doute peu ou pas connues jusqu’à aujourd’hui.
On apprend ainsi qu’il a fallu de multiples interventions, dont celle du Général de Gaulle en personne, pour qu’une partie du champ de bataille de Verdun soit classé en 1967. Ou encore que la protection de l’unique camp de concentration présent sur le territoire national (Natzweiler-Struthof) a été contestée dans les années 1950.
L’étude établit que selon les époques, le classement ou l’inscription ont constitué une réponse à une menace sur l’intégrité du site, notamment pour éviter des coupes rases de forêts ou des installations touristiques peu compatibles.
Elle révèle aussi que les anniversaires permettent d’accélérer les mises en œuvre de protections, en s’inscrivant parfois dans des stratégies décidées au niveau national. Que ce soit pour les sites de la Première comme pour la Seconde Guerre mondiale, inscription ou classement ont parfois mis bien longtemps à intervenir en fonction de l’état du droit existant et des possibilités et moyens données aux administrations en charge de la politique des sites.
Les protections au titre de la loi de mai 1930 constituent un élément important dans la reconnaissance et la mise en valeur de faits historiques intervenus lors des deux conflits mondiaux.
L’histoire de leur mise en œuvre permet de reconstituer l’évolution du travail mémoriel de la société française au fil du temps. Des projets de protection sont encore aujourd’hui à l’étude tel celui concernant le champ de bataille du Chemin des Dames qui conserve toujours des traces du conflit, démontrant ainsi que la "mémorialisation" (travail mémoriel) des deux guerres n’est pas encore achevée !