En mémoire de Florence Tordjman
De nombreux témoignages soulignent le soin qu’elle accordait aux nouveaux arrivants et une collègue arrivée il y a quelques semaines seulement, alors que Florence luttait contre la maladie, le rapporte également : elle veillait à ce que chacun puisse très vite participer à une mission qui lui convienne bien et prenne ainsi un bon départ. Par la suite, elle continuait à nous conseiller avec tact, en suggérant que nous nous portions candidat pour telle ou telle mission qui lui paraissait bien adaptée pour nous.
Florence avait grandi à Albi dans une famille de 4 enfants. Elle fera à Paris les classes d’hypokhâgne et de khâgne, comme on les appelait alors. Après des études universitaires en histoire, puis Sciences Po, elle débute sa carrière au ministère de l’éducation nationale, mais a davantage d’ambition : elle réussit le concours de l’ENA (promotion Gambetta 1993) et sa carrière prend un nouvel essor. De 1993 à 2001, au ministère de l’industrie puis au ministère de de l’économie, elle enchaîne les postes de chargée de mission, adjointe au sous-directeur, adjointe au chef de bureau, chef de bureau.
C’est à partir de 2001 qu’elle trouve sa voie dans le domaine de l’énergie : toujours au ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, elle est pendant 7 ans sous-directrice du gaz et de la distribution des énergies fossiles. Dans cette période de libéralisation du marché européen de l’énergie, elle participe à la négociation de la directive de libéralisation du secteur gazier, se faisant le défenseur des spécificités du gaz par rapport à l’électricité : « oui, mais en gaz, c’est différent ! », avait-elle coutume de dire.
Forte de cette expérience, elle est détachée en 2008 comme experte de haute niveau au ministère de l’environnement et de l’énergie, lors de la création de la nouvelle direction générale de l’énergie et du climat, et occupe pendant 8 ans le poste d’adjointe au directeur de l’énergie. Elle participe au conseil d’administration et à différents comités de GDF Suez, puis de Engie et de ses filiales GRTgaz et GrDF, où elle acquière une réputation de grande rigueur. Elle y porte avec engagement et ténacité les messages et priorités de la politique énergétique de l’Etat, dans un contexte très évolutif, au regard des enjeux de régulation du secteur aussi bien que de transition énergétique. Elle coordonne la mise en œuvre du troisième paquet de libéralisation du secteur de l’énergie et prend part à l’élaboration de la loi de transition énergétique pour la croissance verte.
Début 2017, elle entre au CGEDD comme membre permanent au sein de la section « transition énergétique, construction et innovations » et devient en 2019 présidente de cette section qui est aujourd’hui la section transition énergétique et climat (TEC). Grâce à ses compétences dans le domaine de l’énergie et sa connaissance du secteur elle assurait un lien étroit avec les services du ministère, en particulier la DGEC, dans un contexte aux enjeux toujours renouvelés, tout en s’impliquant totalement dans les autres domaines d’intervention de la section, parfois nouveaux pour elle.
Elle était particulièrement fière, notamment du fait des suites concrètes que ce travail avait eu, de la mission à laquelle elle avait participé sur le « green budgeting », pour élaborer une méthode permettant d’identifier les dépenses de l’Etat ayant une finalité environnementale. Elle m’avait beaucoup parlé aussi, lorsque j’ai travaillé sur un sujet voisin, du rapport sur les mesures d’accompagnement à l’intention des ménages vulnérables exposés à la hausse des prix des énergies carbonées.
Elle était aussi membre du conseil de surveillance de RTE, présidente de la commission supérieure des marchés de l’aéroport international de Bâle-Mulhouse et membre du comité de domaine « énergie et climat », en charge de l’évaluation et de la qualification des experts scientifiques et techniques du ministère.
En tant que présidente de la section TEC, elle intervenait dans notre travail comme « superviseur » et faisait sur nos projets de rapports des observations toujours judicieuses. Faisant preuve d’une grande exigence intellectuelle, elle savait repérer les failles d’un raisonnement ou les affirmations fragiles. Elle était toujours disponible aussi pour répondre aux questions des missionnés ou aider à remettre sur de bons rails une mission délicate.
Parler à son propos de dévouement au service public serait faible. Elle était une militante de l’action publique.
Plusieurs collègues ont dit qu’elle était non seulement une collègue mais aussi une amie ; que l’on pouvait parler avec elle du marché de l’électricité, mais aussi de littérature et d’art ; et par exemple, il y a quelques jours encore, du festival d’Avignon.
Ces dernières semaines, elle restait très impliquée dans la bonne marche de la section et des missions qu’elle supervisait, avec un courage qui nous impressionnait tous.
Elle restera vivante dans notre souvenir.
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